Panorama #3 : La durabilité de la filière lait en France
Situation économique de la filière lait en France, entre production et consommation
La filière lait occupe en France une place majeure. 2e plus gros secteur de l’industrie agroalimentaire après la filière viande, c’est un véritable moteur de l’économie française avec un excédent commercial de 3,4 milliards d’euros en 2016(1). C’est un secteur qui emploie pratiquement 300 000 personnes(2). De l’autre côté de la chaîne, les produits laitiers sont consommés tous les jours par 80% des Françaises et Français âgés de 3 à 75 ans. Seulement 9% n’en consomment pas ou très peu.(3)
C’est aussi une filière qui participe grandement au dérèglement climatique, car, dans le monde, elle représente à elle seule 4% des émissions de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine(4). C’est donc une filière d’importance majeure, qui se trouve depuis de nombreuses années à la croisée d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux importants.
Notre consommation de lait, au contraire de celle de café, de chocolat ou de coco, est issue en majorité de denrées récoltées près de chez nous, et non dans des pays en développement. L’UE, leader des exportations mondiales, devrait d’ailleurs rester en position de force avec des prévisions d’augmentation de 58,5% de ses exportations d’ici à 2025(5). Cependant, la filière lait est confrontée depuis des décennies à des problèmes de durabilité.
La filière lait en France, sous tension depuis des décennies
Le lait étant une denrée de première importance, le marché a été mis sous tutelle durant la Seconde Guerre Mondiale pour plafonner les prix. Après-guerre, ce modèle a persisté jusqu’à entraîner la première « grève du lait » en 1964, dirigée contre l’État et son contrôle sur le marché. Le nombre de producteurs n’a cessé de décroître, et les entreprises de transformation et de distribution du lait se sont concentrées de plus en plus. Ces dernières ont été une des cibles de la deuxième grève du lait de 1972, qui visait également la Politique Agricole Commune instaurée en Europe et la pression des marchés internationaux. Le secteur laitier en France a ensuite évolué conséquemment, avec l’établissement de quotas en 1984 permettant une certaine stabilité des prix. En 2008, la crise économique a frappé durement la filière lait avec une descente considérable des prix, entraînant la troisième grève du lait, en 2009. Des agriculteurs ont alors répandu des milliers de litres de lait devant le Mont-Saint-Michel. Enfin, en 2015, le marché s’est libéralisé avec la fin des quotas, ce qui représente à la fois une opportunité avec les populations de pays en développement de plus en plus consommatrices de lait, et une menace avec la concurrence de nombre d’autres pays.
Vers des modes de production en filière lait plus justes et plus respectueux de l’environnement ?
La filière, confrontée à l’évolution des règles régissant le marché, s’est tournée depuis des décennies vers un modèle productiviste, le seul moyen pour les agriculteurs de gagner plus. Cependant, les fermes « Agriculture Durable » bénéficient d’une plus grande valeur ajoutée, d’une dépendance moindre aux aides de la PAC, grâce à l’exploitation optimisée de prairies pâturées. Par hectare, le résultat social en Agriculture Durable s’élève à 659€ contre 353€ pour une ferme moyenne française(6). La richesse créée par les fermes en AD est donc plutôt utilisée pour la rémunération des travailleurs que pour les investissements, au contraire d’une perspective productiviste. Cela est dû, entre autres, à une réduction des coûts des produits phytosanitaires, moins nécessaires en AD, et des charges liées à l’alimentation du bétail. Moins de tourteau de soja importé d’Amazonie, c’est aussi un impact moindre sur le climat, récompensé par des aides financières.
Les fermes Agriculture Durable en bio sont encore plus efficaces économiquement, avec des charges moindres et une meilleure valeur ajoutée. La logique productiviste, encouragée pendant des décennies, ne tient donc plus aujourd’hui. Le modèle de l’Agriculture Durable, et encore mieux, en bio, est à étendre au sein de la filière lait, pour aider les producteurs à dégager un revenu décent tout en minimisant l’impact de la filière sur le climat. Et de notre côté, consommateurs ? Minimiser notre impact sur la planète, en consommant moins, mais de meilleure qualité, pour une durabilité préservée.
Par Marianne Lachaud
PANORAMA #1 Le commerce équitable en France au sein de la filière café
PANORAMA #2 La filière chocolat : consommation en France et culture de cacao dans le monde
PANORAMA #3 La durabilité de la filière lait en France
PANORAMA #4 Consommation de noix de coco et mise en péril de la durabilité de la filière
Pour aller plus loin :
(1) : Eurostat
(2) : CNIEL
(3) : CCAF 2015
(4) : FAO
(5) : OCDE/FAO
(6) : Réseau CIVAM
Filière laitière : la filière laitière en chiffres : https://www.filiere-laitiere.fr/fr/chiffres-cles/filiere-laitiere-francaise-en-chiffres
OCDE / FAO : Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO : lait et produits laitiers : http://www.fao.org/3/BO101f/BO101f.pdf
Cairn : Politix, détruire pour exister, les grèves du lait en France : https://www.cairn.info/revue-politix-2013-3-page-99.htm
Réseau CIVAM : L’observatoire technico-économique des systèmes bovins laitiers du réseau CIVAM – Exercice comptable 2015 : https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-10/161201_Rapport_Observatoire_technico-économique_des_systèmes_bovins_laitiers_du_réseau_CIVAM.pdf
FAO : Le potentiel du lait et des produits laitiers pour améliorer la nutrition des pauvres de la planète : http://www.fao.org/news/story/fr/item/207720/icode/
Réseau CIVAM : Émissions de gaz à effet de serre et bovins lait herbagers : http://www.civam-bretagne.org/imgbd/File/Agriculture%20durable/fiche%20GES.pdf