Saint-Patrick : la bière, kézako ?

Saint-Patrick : la bière, kézako ? #3

Blonde, brune, IPA, stout, porter… Vous y retrouvez-vous entre tous ces types de bière ?
Vous attachez peut-être à chaque catégorie des qualités gustatives et d’apparence bien définies. Mais savez-vous d’où viennent ces différences dans le produit fini, lorsqu’on part souvent de la même base d’ingrédients ?


Dans cette série d’articles dédiés à la Saint-Patrick, nous vous proposons de plonger dans le nébuleux univers des bières, pour espérer y voir un peu plus clair !
La semaine dernière, nous avions obtenu notre moût après maltage, brassage et houblonnage. Il est temps de passer à l’étape de fermentation !

La fermentation, qu’est-ce que c’est ?

C’est une réaction biochimique, ici réalisée par des levures, permettant la libération d’énergie à partir de sucre. Dans le cas d’une fermentation alcoolique, la réaction dégage de l’éthanol et du dioxyde de carbone. Concrètement, les levures vont se nourrir de sucre et libérer de l’éthanol et du CO2, ce qui va faire disparaître le sucre de notre moût pour laisser place à notre boisson préférée de la Saint-Patrick !


Mais avant de rentrer dans les différents types de fermentation, arrêtons-nous un instant sur la quantité de malt utilisée pour faire le moût. Eh oui, si le sucre du moût est transformé en alcool, alors la teneur en alcool finale va dépendre de la quantité de malt que l’on met dans la recette !


C’est là qu’entrent en scène les appellations simple, double, triple ou encore quadruple que vous voyez peut-être parfois au détour d’une bouteille ! En effet, une bière triple sera faite avec un moût plus concentré en malt (et donc en sucre), qu’une bière double, qui elle-même sera plus concentrée qu’une bière simple. On peut également directement ajouter du sucre
dans le moût pour augmenter le degré d’alcool sans utiliser plus de grain. Cette technique est souvent utilisée par les industriels pour faire grimper le degré d’alcool de leurs bières à moindre coût.


Dans le cas des bières fortement houblonnées comme les IPA, ces termes peuvent aussi désigner l’ajout d’une plus forte quantité de houblon. Enfin, c’est aussi une technique marketing pour indiquer qu’une bière aurait subi plus de fermentations successives, ce qui est inexact et assez peu apprécié des connaisseurs de bière.


Attaquons-nous maintenant à la fermentation !


Il existe plusieurs types de fermentation, qui vont aboutir à des catégories de bière bien distinctes.

La fermentation haute

La fermentation haute se déroule à une température élevée, autour de 20°C, pendant 3 à 8 jours. Vous avez peut-être déjà entendu parler de la levure utilisée pour cette fermentation, qui répond au doux nom de Saccharomyces cerevisiae. C’est en effet la même qui est utilisée pour le pain au levain ! Cela explique l’appellation de « pain liquide » parfois donnée à la bière. En fin de fermentation, les levures migrent vers le haut de la cuve, d’où son nom. Ce type de fermentation était de loin le plus répandu avant l’invention du réfrigérateur, mais sa température élevée ne protège pas le produit des bactéries et champignons. La bière obtenue se conserve donc moins longtemps que celle fabriquée par fermentation basse.

Cette fermentation permet d’obtenir de hautes teneurs en alcool, dans une bière qui sera désignée par le nom générique d’ale. Cela regroupe de nombreux types de bières, les pale ale (dont l’IPA, ou India Pale Ale), bitter ale, brown ale, les bières de garde, les weizen, les bières d’abbaye qui utilisent aussi cette méthode la plupart du temps… La porter, qui a ensuite donné naissance aux stouts, en fait également partie !

La fermentation basse

La fermentation basse se déroule à basse température, autour de 10°C. Les souches de levure choisies doivent avoir une activité optimale à cette température pour que la fermentation réussisse. Celle-ci va durer une dizaine de jours, au bout desquels les levures couleront au fond de la cuve, d’où le nom de fermentation basse. Depuis l’invention du réfrigérateur, ce mode de fabrication s’est largement répandu, car celui-ci permet d’en fabriquer toute l’année sans être dépendant de la température ambiante. Les bières obtenues sont moins fruitées et alcoolisées que celles obtenues par fermentation haute. Elles ont un goût de houblon et de malt plus prononcé, et sont aussi plus chargées en dioxyde de carbone. Elles se consomment fraîches et se conservent très bien. Les bières obtenues par ce procédé prennent le nom générique de lager. Vous connaissez peut-être les pils, les helles, les schwarzbier ou encore les dunkles, qui sont des bières à fermentation basse.

La fermentation spontanée

La fermentation spontanée, contrairement aux deux précédentes méthodes, ne nécessite pas d’ajout de levure. On va en effet exposer le moût à l’air libre, ce qui va l’ensemencer naturellement de levures sauvages. Avant la maîtrise de la culture des levures au cours du Moyen Âge, c’était l’unique façon de faire fermenter le moût. Cela donne des bières appelées lambics, souvent assez acides, qui sont presque exclusivement produites en Belgique.

La fermentation mixte

Enfin, la fermentation mixte combine fermentation « classique » haute, avec des levures du genre Saccharomyces, qui opéreront une première transformation des sucres en alcool, et fermentation spontanée avec des levures sauvages ensemencées via l’air ou des fûts en bois, qui augmenteront l’acidité, comme chez les lambics. Le résultat reste néanmoins plus modéré que ces dernières. Les vieilles brunes ou les bières rouges des Flandres sont obtenues via ce procédé.

Cuves de fermentation pour la bière
Cuves de fermentation

Et après cette fermentation ?

Les bières industrielles sont souvent clarifiées (sauf les blanches) pour retirer levures et impuretés. C’est cette filtration qui rend les bières limpides. Ensuite, elles subissent une pasteurisation qui va enlever tout résidu microbien. Elles sont maintenues sous pression et subissent souvent aussi un ajout de CO2 pour ajouter du gaz artificiellement. Elles peuvent être conditionnées en fûts, en canette ou en bouteille. Les canettes souffrent d’une connotation un peu péjorative, mais c’est le moyen qui permet au mieux de conserver toutes les qualités gustatives de la bière !


Dans les brasseries artisanales et microbrasseries, il est courant d’opérer une deuxième fermentation directement dans la bouteille. En effet, ces petites structures ne disposant souvent pas du matériel nécessaire pour garder la bière sous pression, celle-ci perdrait le gaz issu de la première fermentation en l’absence de ce procédé. Pour y remédier, on va rajouter
un peu de sucre après la première fermentation, et conditionner la bière en bouteille, ce qui va permettre la gazéification directement à l’intérieur grâce aux levures
. Cette méthode est aussi utilisée volontairement pour élaborer des bières dites « de garde » qui vont évoluer avec le temps.


Ces bières sont dites « refermentées » ou « sur lie » car les levures finissent par se déposer dans le fond de la bouteille, créant une « lie ». La bière va donc devenir de plus en plus limpide à mesure de la décantation des levures. Mais si la bière est trouble, pas de panique ! C’est tout à fait normal, et ne change absolument pas la qualité du produit.

Et les bières sans alcool dans tout ça ?

Elles ont sensiblement le même goût que la bière, l’alcool en moins. Et pour cause, le procédé de fabrication est assez fidèle à celui de la bière classique ! Pour cela, deux approches. On peut empêcher la formation d’alcool en pratiquant une fermentation très rapide, ce qui aromatisera la bière en limitant la transformation du sucre en alcool, et retirer par la suite
l’excédent de sucre, et rajouter du CO2. On peut également retirer l’alcool après fermentation par diverses méthodes, comme l’évaporation ou l’osmose.


Vous avez maintenant les clés en main pour mieux comprendre les différences entre les bières, cette grande famille disparate au sein de laquelle chacun peut trouver son compte. Avec ou sans alcool, blonde, ambrée, brune, fortement houblonnée ou pas, lager ou ale… Il y en a pour tous les goûts et toutes les occasions ! Alors pour clôturer cette série d’articles, joyeuse Saint-Patrick !

Par Marianne Lachaud